L’Union communiste libertaire s’oppose fermement, comme la grande majorité de la gauche associative, syndicale et politique, au fichage de la population prétendument au nom de l’urgence sanitaire. Nous réclamons au contraire de véritables mesures de suivi et plus de moyens humains et matériels. À la foi aveugle dans le solutionnisme technologique, nous opposons la sauvegarde de la population contre les intérêts mercantiles.
Depuis quelques jours, le débat autour de l’application de traçage informatique des malades StopCovid s’enflamme. Les expert·es, épidémiologistes ou informaticien·nes, partisans du projet ou détracteurs de celui-ci, s’expriment dans les colonnes des grands médias nationaux comme le Monde [1] ou encore Libération [2] ; la CNIL exprime ses habituelles « réserves » [3] sans jamais trop s’engager ; des associations de défense des libertés comme la Ligue des Droits de l’Homme [4], la Quadrature du Net [5] ou Framasoft [6] [7] et des structures syndicales comme l’Union syndicale Solidaires [8], le Syndicat national des journalistes, le SNJ-CGT, le Syndicat de la Magistrature, le Syndicat des avocats de France, la Confédération paysanne, Solidaires Informatique [9] ou l’Ugict-CGT [10] [11] multiplient les communiqués tirant la sonnette d’alarme ; les capitalistes de la « tech », Google & Apple [12] mais aussi par exemple le toulousain Sigfox, se placent au contraire en concurrents de StopCovid et espèrent bien emporter le gros lot – Sigfox propose ni plus ni moins que de remplacer les ordiphones (smartphones) par des bracelets électroniques [13] !
L’illusion sécuritaire puis la dérive autoritaire
Nous faisons évidemment nôtres les arguments de notre camp, qui ont beaucoup circulé ces derniers jours et que nous n’allons donc pas répéter ici. Nous clamons haut et fort que StopCovid doit être rejeté massivement par la population. Dans l’immédiat, parce qu’il s’agit d’une fausse solution, dont l’efficacité est loin d’être prouvée, et qui risque même de donner une fausse impression de sécurité à la population, ce qui pourrait aller jusqu’à favoriser l’émergence d’une seconde vague épidémique. À plus long terme, parce que la base de données ainsi constituée allongera encore la liste malheureuse de fichiers déjà existants qui seront tôt ou tard dérobés par des individus malveillants, revendus par les industriels du numérique ou encore détournés par un gouvernement en pleine chute libre autoritaire, à des fins de surveillance et de contrôle policier de la population.
Un point nous semble important : que le projet soit adopté ou non par l’Assemblée Nationale importe finalement bien peu, puisqu’il semble à peu près garanti à ce stade que l’installation de StopCovid ne sera pas obligatoire.
Nous appelons donc d’ores et déjà au boycott populaire de StopCovid.
Contre le coronavirus : des masques, des tests, des soignant·es
Aucune application, aucun bracelet électronique, ne fera de miracle : pour lutter contre l’épidémie, il faut commencer par avoir du matériel sanitaire de base (masques, tests, etc.) et des moyens humains adéquats (soignant·es, chercheur·ses, etc.). L’État français manque aujourd’hui cruellement de tout ceci et refuse de se donner les moyens nécessaires : réquisitions d’entreprises, embauches et financements massifs, etc. C’est pourquoi le gouvernement se retranche dans le « solutionnisme technologique » si cher aux capitalistes et à la Silicon Valley, espérant convaincre la population que le monde pourra être sauvé par un logiciel et du Bluetooth. Nous ne sommes pas dupes, et leur monde, nous ne voulons pas le sauver.
Commission librisme de l’UCL le 28 avril 2020