« Avoir 20 ans en 2020 » Quand l’Etat propose pire qu’une pandémie à notre jeunesse

C’est une phrase que l’on a entendue souvent ces derniers mois : « avoir 20 ans en 2020 » Une pandémie est passée par là et c’est toute la jeunesse qui a été frappée de plein fouet. Non par la maladie mais par les conséquences sociales et les solutions que l’Etat propose.

Ce papier va s’intéresser particulièrement à la jeunesse qui n’est plus dans le giron de l’Education Nationale, ceux « qu’on laisse sur le bord du chemin » comme dirait le recteur de la région Auvergne Rhône Alpes. De nombreux articles ont déjà été écrits afin de mettre en lumière la détresse sociale et psychologique des élèves et des étudiant.e.s. Mais que propose l’Etat pour ces jeunes qui ne sont plus en scolarité ? Voici un résumé des dispositifs proposés par l’Etat.

Accompagnement des 16/18 ans par les missions locales 

Ce programme d’accompagnement répond à une commande de l’Etat afin de renouer un contact avec les jeunes décrocheurs âgés de moins de 18 ans (obligation de formation des 16/18 ans (1) ). Le président des Missions Locales, à grand coup d’interviews et de communiqués, annonçait que ces structures étaient les mieux placées pour s’occuper de cette jeunesse à l’abandon grâce au parcours PACEA.

Projet validé de façon expresse par le gouvernement et pactole en prévision pour les Missions Locales. Ce dispositif innovant remobilisera le ou la jeune et l’amènera sur le chemin de la formation et/ou de l’emploi. Sur le papier, cela parait alléchant. Mais une question n’est pas posée : qu’est-ce que le PACEA ?

Le PACEA n’est ni plus ni moins qu’une contractualisation d’un suivi en mission locale (Parcours Accompagnement Contractualisé vers l’Emploi et l’Autonomie). Pour les agents des missions locales, il s’agit d’un document qui justifie leur travail. Aucune formation n’est prévue, aucune embauche n’est possible (pour les moins de 18 ans) mais le fait de venir honorer un rendez-vous une fois par mois auprès de son conseiller est suffisant. Vous répondez à l’obligation de formation ! Devant ce peu de solutions proposées au jeune, qui comprend vite l’inutilité de tout cela, on pourra alors lui verser entre 50 et 100 euros par mois si elle ou il honore son rendez-vous.

Ce n’est donc qu’un enfumage complet qui ne bénéficie à personne : les jeunes ou les conseillers et conseillères en insertion. Mais à grand coup de spots publicitaires et d’interviews mensongères, on nous fait croire que nous ne laissons pas de côté les jeunes exclu.e.s du système éducatif. Nous faisons pire, nous les abandonnons.

Le retour du SNU

Autre porte de sortie envisagée par nos dirigeants, le fameux SNU (Service National Universel). (2) Plusieurs articles ont déjà été publiés par l’UCL à propos du SNU.

Les jeunes de moins de 18 ans, habillé.e.s comme des gendarmes en formation, seront accueilli.e.s hors de leur département durant 15 jours pour découvrir l’esprit de corps et la cohésion nationale. Ce séjour de 15 jours permettra, je cite (snu.gouv.fr) « d’accroitre la résilience de la Nation » ou bien encore « de lever les couleurs au chant de l’hymne nationale»

Ensuite, les jeunes pourront démontrer leur engagement en réalisant des missions d’intérêt général (84 heures minimum) dans le milieu associatif, dans une collectivité ou les corps en uniforme. (gendarmerie, police…) Ce qui peut s’apparenter à de l’exploitation de travailleuses et travailleurs. Nous connaissons déjà les dérives du Service Civique, la jeunesse ne doit pas être la main d’œuvre gratuite d’un service public appauvri d’année en année par les politiques néo-libérales.

L’aide au permis

Dans les zones rurales (de là où je vous écris) l’entrée sur le marché du travail est conditionnée au permis de conduire. Dans les zones enclavées, l’offre de transport collectif est inexistante, alors seule la solution permis/voiture est envisageable pour travailler. Il est à noter que ce critère fait partie des critères de recrutement des entreprises, ce qui est interdit. Depuis des années, les agents sociaux se battent pour soit avoir une réelle offre de transport collectif, soit des aides concrètes pour financer le permis.

En Auvergne Rhône Alpes, les travailleurs sociaux ont été entendu.e.s. La région et les départements ont enfin décidé de mettre l’accent sur l’aide au permis de conduire. Victoire ? Hélas non, cette aide sera accordée aux jeunes ayant un contrat de travail… Et oui, la fameuse théorie du serpent que se mord la queue : j’ai besoin d’argent pour passer mon permis car celui-ci me permettra de trouver un emploi. Mais sans emploi, pas de rentrée d’argent et sans argent… pas de financement de permis possible.

A noter que dans ce genre de dispositif l’Etat met des enveloppes à disposition puis regarde à la fin de l’année ce qu’il reste. Sans vouloir m’avancer, il restera beaucoup de subventions sur ce dispositif inutilisable. L’Etat pourra donc décréter que ça ne fonctionne pas et ne pas renouveler la subvention.

Les cadets de la gendarmerie

Mais gardons le meilleur pour la fin. Il y a quelques temps, les régions ont demandé aux gendarmes de venir faire la promotion des cadets de la gendarmerie auprès des structures s’occupant des 16/18 ans déscolarisé.e.s. C’est pour les jeunes « perdu.e.s » âgé.e.s de 16 à 18 ans. « On recrute même des majeurs un peu perdus, ou en marge de la société »

Pour info et préambule, ce dispositif est par exemple loué par « Boulevard Voltaire » (3) Le Boulevard Voltaire est un site « d’information » proche du think tank identitaire Polemia. Ce site internet a pour plumes la plupart des réac qui défilent sur les plateaux télé et a comme « directrice de la publication » Me Ménard. Ce petit focus afin de prouver (le fallait-il encore ?) les liens idéologiques dangereux entre l’extrême centre et l’extrême droite.

Revenons à nos cadets : Mais pour quoi faire ce dispositif ? Les remettre dans le droit chemin bien sûr ! Le chemin de l’ordre, de la soumission et du drapeau bleu, blanc, rouge. On propose donc une « formation » sur mesure dispensée par des gendarmes (connus pour leur côtés/talents pédagogiques, convenons-en)

Vous oscillerez donc entre cours sur les respects des valeurs républicaines, sur le respect de l’ordre, stages immersifs avec les brigades, camps sportifs pour se maintenir en forme… Bref, un vrai service de rééducation au service des idées les plus réactionnaires de l’Etat. Avec le SNU, l’Etat a essayé de mettre un joli paquet cadeau, avec les cadets de la gendarmerie il ne se cache même plus.

Dans de nombreux départements, il est déjà établi que les décrocheurs scolaires devront passer par ce dispositif au risque/sous peine de dénoncer les parents au département et in fine couper les allocations familiales.

Alors oui la pandémie a été dramatique pour la jeunesse, mais le pire est à venir : la politique de la jeunesse menée par le gouvernement LREM qui ressemble de plus en plus à une politique d’embrigadement. On est très loin de l’éducation populaire, du développement de l’esprit critique, de l’émancipation citoyenne.

PS : il reste toujours la possibilité de bénéficier du programme garantie jeune qui permet au bénéficiaire de recevoir un peu moins de 500€ par mois durant un an. Hélas, les conditions d’entrée ne permettent pas aux étudiants, aux travailleurs précaires d’en bénéficier.

https://www.education.gouv.fr/l-obligation-de-formation-des-16-18-ans-306954

  1. https://www.unioncommunistelibertaire.org/?Non-au-Service-national-universel

  2. https://www.bvoltaire.fr/cadets-de-gendarmerie-mode-de-promotion-civique-sociale/

 

Myré , UCL le Puy

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