Alors que des débats, tout à fait légitimes, sur les statues et les noms de rue commémorant les « héros » !!!! de la colonisation ont lieu, la ville du Puy n’hésite pas à nommer ou à mettre en évidence avec une plaque toute neuve une rue ( elle est dessus de la gare) de notre charmante bourgade conservatrice : rue Maurice Barrés.
Si les affreux réactionnaires sont légions au Puy pour identifier les noms de lieux, celui de Maurice Barrés est dans la catégorie supérieure !
Mais alors qui est ce charmant Monsieur ? Dîtes moi quels noms je donne aux rues et je vous dirai qui je suis !
Maurice Barrés (1) est un écrivain et un homme politique français né en 1862 et mort en 1923. Comme écrivain il est l’auteur d’une célèbre trilogie : « les Déracinés », « l Appel du soldat » et « Leurs figures ». Il est aussi à la tête d’un journal : « la cocarde ».
Une de ses grandes idées dans sa littérature est le « culte du Moi », autrement dit la défense du « Moi », contre les barbares. C’est pour cela que l’on en fait un des pères du nationalisme de droite.Comme homme politique il fut député boulangiste de Nancy (pourquoi son nom au Puy? si ce n’est un choix idéologique ?)de 1883 à 1893.Il a été aussi président de la Ligue de la Patrie Française ( Association créée pendant l’Affaire Dreyfus comprenant des antidreyfusards et s’opposant à la Ligue des Droits de l’Homme regroupant des défenseurs de Dreyfus.On y trouve outre Barrés, le poète très populaire à l’époque Déroulède, mais aussi les peintres Degas et Renoir, ainsi que l’écrivain Jules Verne…)
Boulanger était un général lors des premières décennies de la III eme République qui dans un contexte de crise fut proche du coup d’état ( mais il n’ira pas jusqu’au bout et finit par se suicider sur la tombe de sa maîtresse ). Dans l’histoire des idées de l’extrême-droite moderne, l’intérêt de ce mouvement dans les années 1880 fut qu’il permis une première synthèse entre un nationalisme d’extrême-droite fortement imprégné de royalisme et une base sociale incarnée notamment par l’ancien communard Rochefort, le tout reposant sur une base populaire. Cette synthèse dont, pris sa part notre Barrés est un des fondements du fascisme à venir.
En effet , le fascisme, cette idéologie que l’on relie à l’Italie de Mussolini a aussi ses racines françaises. On parle de proto-fascisme.Dans ce laboratoire du fascisme on retrouve en bonne place notre Barrés
« Avant la guerre, bien avant, il y a quelqu’un qui a pressenti le fascisme, qui lui a donné sa première expression, c’est Maurice Barrés » Zeev Sternhell.
D’ailleurs, quand en 1925, George Valois crée « le faisceau »( premier parti authentiquement fasciste en France, ne dit-il pas : « C’est l’auteur des Déracines, de l’Appel au soldat, du député boulangiste de Nancy,le militant nationaliste qui a pressenti le fascisme, qui lui a donné sa première expression et qui a le premier vu la possibilité et la nécessité de fondre le socialisme et le nationalisme….la Cocarde de Maurice Barrés a été le 1 er journal fasciste »
Maurice Barrés est aussi le disciple inconditionnel du professeur Soury, qui était un prof à l’école des Hautes Etudes qui dispensa un enseignement à base de racisme, de darwinisme social et d’antisémitisme très proche de ce que sera la vision du monde des nazis. L’œuvre de Barrés en est imprégné. Dans ces livres on y retrouve donc le fond de commerce de l’idéologie d’extrême-droite. Un monde imprégné de décadence, le « crépuscule de l’Occident » dont l’ennemi intérieur, le juif pour Barrés est le responsable.Monde décadent dans l’attente d’un Sauveur, d’un l’Homme Providentiel . Un moment Barrés verra dans Boulanger cet homme providentiel, ces disciples eux se plieront à la discipline du sauveur Pétain en 1940 !
Donc Barrés est une pourriture de xénophobe, d’antisémite et compte bien dans la conceptualisation de l’idéologie fasciste. Ainsi, il fut un des inspirateurs des écrivains fascistes notamment en sortant le nationalisme du courant républicain . Le nationalisme républicain est celui de la Révolution Française, qui voit la nation comme le produit d’une volonté générale. On est français parce que l’on veut vivre en France (peut importe l’origine des parents et le lieu de naissance). Barrés rapproche son nationalisme de la conception germanique : la nation est une « race » ( on est allemand par le sang ). D’ailleurs pour Dreyfus ne dit-il pas : « on déduit sa culpabilité de sa race ». Là, où il devient un authentique « père » du fascisme c’est qu’en plus il va plus loin que le courant nationaliste conservateur pour le rapprocher du peuple « l’instinct des humbles », en faisant un nationalisme social .C’est ce couplage entre nationalisme de droite et social qui forme le fascisme …. ensuite il est facile d’inverser les deux idées : nationalisme et social !dans sa vision du mal décadent et entrainant “les humbles”, il y a aussi la Femme. Il va sans dire qu’il est profondément sexiste comparant la femme à …. l’enfer !
Le nationalisme de la Terre et des Morts (les « Déracinés »)et son corollaire, l’antisémitisme a pesé sur l’histoire du fascisme et portent de ce fait une responsabilité dans la conceptualisation de cette idéologie. Parmi les disciples de Barrés ont retrouve bien entendu la France de Pétain et sa « Révolution Nationale » avec des partisans de l’Allemagne nazie comme Doriot ( ancien communiste!) ou Déat ( ancien socialiste ) ou l’écrivain collaborateur Drieu la Rochelle ( qui se suicide en 1945).
Rien d’étonnant que Barrés se retrouve dans les livres favoris de l’extrême-droite et notamment souvent cité par le Pen ( le père ). Alors que fait-il sur une rue du Puy ? les riverains et riveraines ont-ils été un moment informés du nom de leur rue ?
Rendons à nos élu-es cette phrase de Barrés qui leur sied parfaitement …. surtout quand ils illuminent les monuments historiques :
« qu’est ce que j’aime dans le passé ? Sa tristesse, son silence et surtout sa fixité. Ce qui bouge me gène. » M.Barrés.
Alors à quand une place Ferdinand Céline ?
1.Toutes les informations de ce texte sont tirées du travail des historiens ,Michel Winock, « nationalisme,antisémitisme et fascisme en France » et Zeev Sternhell, « Ni droite,ni gauche,l’idéologie fasciste en France » et la thèse de ce dernier sur Maurice Barrés.